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lundi 3 avril 2017

AUTISME. PSYCHANALYSE VS COMPORTEMENTALISME (ABA): MATCH NUL

Autisme. Psychanalyse VS Méthodes comportementales (ABA / ICI) : Match nul.

1. Le retard français en autisme: vraiment???
2. Jamais autonome!
3. Un «scandale éthique». La psychanalyse n'a pas le monopole des mauvais traitements.
4. Un «scandale financier». Peu d'effets positifs pour un coût immense.
5. Contre l'autismophobie. Les neufs principes éducatifs du Docteur Mottron

Cet article a été publié en avril 2017. Il peut donc contenir des éléments qui ont changé depuis. 


Le «retard» français en autisme: vraiment???

Dépotoir en Australie
AmiEs De France: je vous dédie tout spécialement cet article, parce que plusieurs d'entre vous semblent vraiment idéaliser ce qui se fait ailleurs en autisme, et dénigrer ce qui se fait en France! Tenez, cette phrase d'un message que j'ai reçu récemment: «
Comme vous le savez, la France a un retard considérable en la matière (plus de vingt années). J'ai le sentiment de me trouver actuellement consignée dans la poubelle où la société française place les autistes - les adultes ne sont aucunement prioritaires, ce sont les demandes relatives aux enfants qui sont honorées en tout premier lieu». Tout d'abord, non, je ne le sais pas que la France est si en retard, et je ne vois pas qu'elle le soit. Ce que ma correspondante me dit au sujet des adultes, eh bien, c'est exactement pareil au Québec! Les médecins ont reçu l'ordre du Ministère de la santé de ne plus procéder à des évaluations chez les adultes il y a déjà quelques années. La seule possibilité pour un adulte est d'aller vers le secteur privé, de se faire évaluer par l'un des quelques psychologues qui ont acquis le droit de poser le diagnostic d'autisme. Or pour être relativement rapide, cette démarche, privée, est aussi très coûteuse: il faut débourser une somme importante que tous n'ont pas. En quoi le Québec fait-il mieux que la France??? Je vois aussi certains d'entre vous militer pour que la psychanalyse devienne «illégale» en autisme au profit des méthodes comportementalistes. Là, j'ose vous prévenir: vous êtes victimes d'un mirage. D'un très coûteux mirage. Et vous en serez déçus. Alors voici.
En juin dernier [2016] fut lancé le livre du Docteur Laurent Mottron, éminent spécialiste de l’autisme : L’intervention précoce pour enfants autistes. Nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence (Éditions Mardaga) : http://editionsmardaga.com/intervention-precoce-pour-enfants-autistes). Dans ce livre, le Docteur Mottron propose neuf principes d’intervention auprès des enfants autistes qui, pour «nouveaux» qu’ils semblent être, me semblent tenir du simple bon sens. Avant de les décrire, l’auteur démonte le modèle comportementaliste qui est la norme, au Québec notamment, et qui passe pour «l’idéal» à mettre en place ailleurs, en France notamment. Or ce modèle n’est en rien idéal. J’ai rarement lu une telle opération méthodique de critique, point par point, chaque étape étant scientifiquement étayée! La littérature scientifique indépendante n'arrive qu'à identifier des résultats modestes, et encore uniquement que pour certains enfants, cela pour les coûts les plus élevés. De plus, la méthode comportementaliste soulève de nombreux écueils éthiques: c'est une méthode hyper invasive, agressive, normative qui viole les capacités de concentration des enfants, autistes ou non - je ne peux m'empêcher d'y percevoir même des relents de sadisme, de sadisme castrateur. Il y a lieu de se demander si elle ne nie tout simplement pas des droits fondamentaux des enfants et de la personne. La conclusion générale est impitoyable : «En matière d’encadrement par l’État du marché de l’intervention en autisme, la plus mauvaise solution est la solution québécoise» (page 229). Ceci devrait donner à réfléchir à quiconque idéalise le modèle comportementaliste (ABA, ICI, etc.).

Le Docteur Mottron me dédicace son livre (juin 2016)
Voici les choses d’une manière générale. Je travaille auprès de personnes ayant un trouble anxieux, pour l’organisme La Clé des champs. Nous nous servons justement d’une approche cognitivo-comportementale, cela pour adolescents et adultes (autistes ou non). Je peux certifier, j’insiste certifier, que cette méthode peut donner de bons résultats, mais à une condition absolument essentielle : il faut que la personne désire utiliser cette approche, qu’elle y consente de plein gré, et y investisse temps et efforts. Si tel n’est pas le cas, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Or, un enfant, autiste ou non, ne peut donner son consentement de plein gré à cette démarche : on la lui impose carrément. C’est une erreur. Lorsqu’elle est ainsi imposée, cette démarche est inapte à vraiment aider. Cela, l’expérience le démontre amplement. L'approche comportementaliste diffère de l'approche cognitivo-comportementale: le «cognitivo» qui manque indique que cette dernière ne fait pas appel à la pensée. Le comportementalisme adapte et applique aux humains des techniques venues du dressage animalier: stimulus - réponse, bonne action = récompense, mauvaise action = punition, etc.
 https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9haviorisme
Le fait, heureux, qu'ABA ne soit pas encore beaucoup implanté en France est une chance pour ce pays d'éviter ce piège et d'aller vers mieux.

Jamais autonome!
Tout ce qu’on peut lire sur l’autisme… Voici un article paru dans Le Monde / Science et médecine mercredi 13 juillet 2016 et intitulé Le virage ambulatoire, pour l’autisme aussi. Cet article fait partie d’une vague qui milite en France pour l’élimination de l’approche psychanalytique ou profit d’une méthode comportementaliste ou behaviorale (pour alléger, j'écrirai ABA pour la suite de l'article). Or le plaidoyer partage ici un point commun avec la psychanalyse qui est exposé dès les premiers mots : «… pour un redéploiement des ressources allouées à cette pathologie». Voilà, pathologie, le gros mot est lancé.

Freud et sa fille Anna en 1913
Pour amorcer mon propos, je cite ces mots de l’article qui sont du porte-parole d’Autisme sans frontières : «Pour les familles qui n’ont pas accès à l’approche comportementale, l’enfant ne deviendra jamais autonome, son absence de progrès le conduira à un placement en institution «spécialisée», il ne vivra ainsi jamais parmi nous…». Je suis sans voix devant de tels propos surdramatiques et sans lien aucun avec la réalité. Comme lecteur de ceci et étant moi-même autiste, je signale d’entrée de jeu à Monsieur C*** et à ses acolytes que je n’ai reçu aucun service spécialisé en autisme, ni comportementaliste ni psychanalytique : il n’y en avait tout simplement pas dans mon enfance (je suis né en 1960). Pourtant, je suis autonome, j'ai une maison (toute payée) que j'entretiens bien et, oui, je vis «parmi nous», je contribue à la collectivité humaine et dans plus d’une sphère d’activité. Je dois aussi signaler que je suis loin d’être une exception. Il n’y a pas Antoine Ouellette d’un côté et les autres autistes de l’autre. De nombreuses personnes autistes n’ayant reçu aucun service vivent de manière autonome, que ce soit en bonne partie ou entièrement. Je suis désolé de devoir contredire ce genre de propos qui alourdissent à eux seuls déjà la vie des personnes autistes de manière totalement contreproductive, en plus de semer la panique chez les parents, et de contribuer à faire de l’autisme une calamité qu’il n’est pas.

B.F. Skinner, un des pères du comportementalisme
Je  rappelle à nouveau la confusion entourant le terme «autisme». Il y a autisme et autisme; le même mot désigne deux réalités n’ayant rien en commun, si ce n’est que quelques ressemblances comportementales. Il y a l’autisme dit syndromique (environ 15% des diagnostics) et l’autisme dit prototypique (environ 85%). Le premier est de moins en moins considéré comme de l’autisme, car il est causé par des facteurs comme des anomalies chromosomiques ou des accidents majeurs durant la grossesse et laissant des séquelles neurologiques souvent sévères, choses qui ne se trouvent pas du côté de l’autisme prototypique. Ce dernier incluent les personnes autistes de type Kanner (avec délai du langage, 70% des diagnostics) et les personnes autistes de type Asperger (sans délai de langage, 15% des diagnostics, mais très certainement sous-évalué). Pour mieux saisir la réalité de l’autisme et ne pas mêler les choses, seul l’autisme prototypique devrait être nommé autisme, ce qui sera le cas pour la suite de mon propos. Le pronostic pour l’autonomie des autistes syndromiques n’est pas très bon en général : plusieurs auront besoin de services à vie même pour des tâches de base, cela quoi qu’on fasse – ces personnes et leur famille ont effectivement grand besoin de soutien et de services. Cependant, il serait aberrant de donner les mêmes services à ces deux groupes, prototypiques et syndromiques : ce serait comme de traiter la fièvre des foins avec des antibiotiques sous prétexte qu’on éternue comme si on avait une grippe! Malheureusement, cela se fait, parce que l'on applique à tous les mêmes «principes». Plusieurs jeunes adultes m'ont fait part de leur désarroi d'avoir été traités comme des déficients mentaux qu'ils ne sont pas. Voir l'article: http://antoine-ouellette.blogspot.ca/2015_12_01_archive.html

Un «scandale éthique»? La psychanalyse n'a pas le monopole des mauvais traitements.

L’article crie au scandale : Il y aurait un «scandale éthique» et aussi un «scandale budgétaire». Voyons tout d’abord le scandale éthique. C’est connu, en France, l’autisme a été l’affaire de la psychanalyse et l’est toujours dans une bonne mesure. Or la psychanalyse imposée à des enfants, souvent contre le gré des parents qui n’ont mot à dire, a démontré bien peu de bienfaits réels et mesurables. Au mieux, on attribue à la psychanalyse des «progrès» que l’enfant aurait de toute façon faits sans psychanalyse. Parce que le sous-texte, erroné, est ici que la personne autiste est statique à vie, qu’elle ne peut évoluer sans aide spécialisée. Je peux témoigner de cette erreur puisque j’étais «très différent» des autres enfants, tout le monde le savait, mais j’ai évolué (il me semble!!!). La vérité est que les autistes sont des personnes humaines et qu’elles aussi évoluent avec ou sans services spécialisés. Mais surtout, la psychanalyse a été reconnue coupable d’avoir appliqué de mauvais traitements à des enfants, dont le très folklorique packing, une pratique vraiment très bizarre. La psychanalyse, elle aussi, ne peut aider que des personnes qui consentent à cette démarche, qui s’y investissent en conscience et de leur plein gré, donc de jeunes adultes et des adultes, des adolescents à la rigueur. Dans ces conditions, oui, elle peut aider quelqu’un dans son cheminement de vie et, non, elle ne donne pas alors de mauvais traitements.

Dresser les enfants? Ludwig Koch: La cabriole (XIXe s.)
Le «scandale éthique» doit trouver une réplique que les auteurs de l’article ont trouvé : remplacer la psychanalyse par l’approche ABA. Je vis au Québec où cette approche a le monopole depuis une bonne dizaine d’années. Son bilan n’est guère supérieur à celui de la psychanalyse, et elle présente les mêmes tares. Ses résultats réels sont au mieux mitigés, quasi aléatoires. Cela pour la même raison : on met au compte de la méthode des progrès que les enfants auraient fait de toute façon sans elle. Ce n'est pas moi qui le dit. Voyez ceci dans le livre du Docteur Mottron: le manuel du Denver Model (comportementaliste) affirme triomphalement que, grâce à lui, 90% ou plus des enfants «traités» intensivement et précocement ont acquis une communication verbale à 5 ou 6 ans; or «c'est justement la proportion des enfants autistes qui ont une communication à 6 ans, quoi qu'on fasse» - quoi qu'on fasse y compris rien de spécial (page 167). C'est dire à quel point on flirte avec le charlatanisme.

En réalité, ABA fonctionne si peu que l’on doit souvent lui ajouter l’utilisation de médicaments psychotropes puissants et aux forts effets secondaires. Je suis vraiment sidéré de nombre d’adolescents autistes, et même, je ne blague pas, d’enfants autistes qui consomment anxiolytiques, antidépresseurs, antipsychotiques, amphétamines et autres somnifères. À mes yeux, il s’agit là d’une véritable bombe à retardement. Une personne qui parvient à l’âge adulte déjà dépendante à ces substances risque d’hypothéquer gravement son potentiel d’autonomie. Reste que si ABA était aussi bonne qu’on le prétend, aucun enfant ne devrait consommer ces substances pour pallier à ses manques. Mais les bonzes d'ABA ne désarmeront pas: ils vont réclamer encore et toujours plus d'argent parce que, si leur méthode fonctionne peu, c'est que l'autisme est tellement grave! Sophisme pur.
Aussi: «Dans le cas d'un médicament, le recensement d'effets indésirables est obligatoire», or aucune étude ne s'est penchée sur les effets indésirables des méthodes comportementalistes, ni à court terme ni à long terme. «Il n'existe aucune étude sur l'effet à l'âge adulte d'avoir privé l'enfant des comportements et intérêts dits «répétitifs». Dans aucun autre domaine que l'autisme, on n'accepterait d'imposer une intervention sur une large échelle si ses effets négatifs possibles n'ont pas été recherchés» (page 169). Question: pourquoi se le permet-on en autisme?
Éduquer un enfant avec des bonbons n'est pas l'éduquer...
Par ailleurs, si l’on a reproché à la psychanalyse ses mauvais traitements, il faut savoir qu’il y a aussi mauvais traitements du côté ABA. Déjà le seul fait de baser l’éducation d’un enfant sur des techniques tenant du dressage animalier, à grand recours de punitions-récompenses, est une conception tout sauf humaniste : c’est indigne et étranger à ce que doit être l’éducation – or, un enfant autiste doit, lui aussi, être ÉDUQUÉ, pas dressé. La directrice d'un organisme vient de me dire qu'on «dresse» les enfants autistes en leur donnant une Smartie lorsqu'ils font ce qu'on leur demande! Je n'arrive pas à croire que des adultes puissent agir d'une manière aussi stupide. Ces gens savent-ils qu'habituer les petits enfants à recevoir sur le champ une récompense immédiate favorise que ceux-ci développent des dépendances plus tard?

Dans son livre, le Docteur Mottron décrit quelques-uns de ces mauvais traitements qui n’ont rien à envier à ceux de la psychanalyse. Un texte de Lovaas, principal promoteur de cette approche, et datant de 1987, mentionne notamment : décharges électriques, fessées, vaporisations d’eau froide ou d’odeurs désagréables, etc., tout cela parfaitement justifiable pour «aider l’enfant à sortir de son autisme»!!! Merveilleux! Ces pratiques seraient en voie de disparition, heureusement, mais la philosophie demeure inchangée. Quand un éducateur boude l'enfant autiste parce que celui-ci ne le regarde pas dans les yeux (pratique souvent appliquée), il donne un mauvais traitement et un très mauvais exemple de relations humaines. Se rend-t-on compte que l'on inculque à l'enfant qu'il est correct de chercher à obtenir quelque chose de la part d'autrui en faisant de la bouderie?! Et que les «grandes personnes» font ainsi, y compris des enseignants?! À court terme, il n'y a là aucun élément éducatif; à long terme, rien qui puisse favoriser la socialisation, l'autonomie, l'accès à la culture, la participation et l'intégration effective.

Dresser n'est pas éduquer...
Souvent, ABA renforce les éléments anxiogènes chez l’enfant autiste. Par exemple, on affirme que «les personnes autistes supportent mal les situations nouvelles et les imprévus». Est-ce caractéristique de l’autisme? Pas vraiment. Mais c’est caractéristique de l’anxiété et des troubles anxieux. Les enfants autistes sont-ils plus anxieux? Peut-être, mais pas nécessairement. Or surprise, les méthodes comportementalistes renforcent l’intolérance aux imprévus chez les enfants autistes, comme, par exemple, en utilisant à outrance le «time timer» pour mesurer la durée d’une activité. Parce qu’une demi-seconde de plus, les enfants autistes pèteraient les plombs, croit-on. Tout au contraire, à sa clinique, Hans Asperger donnait les après-midis entiers en temps libre aux enfants autistes. En évitant toute exposition aux imprévus (et ceux-ci font partie de la vie), on rend les enfants encore moins tolérants à ceux-ci… 

Les enfants autistes, mais tous les enfants en fait, ont besoin de temps libre. Pour les enfants autistes, c'est particulièrement important. Dans une large mesure, leur niveau d'anxiété sera inversement proportionnel à la quantité de temps libre: plus de temps libre = moins d'anxiété; pas de temps libre = anxiété élevée. Or, on cherche au contraire à limiter autant que se peut leur temps libre, parce qu'on le considère comme du «temps perdu» ou, pire, comme du temps où l'enfant est«abandonné à son autisme». C'est une erreur sur toute la ligne. L'apparente «étrangeté» des jeux que fait l'enfant autiste durant son temps libre ne devrait pas interférer: l'enfant, lui, s'amuse, explore et apprend. 
Mais attention: le scandale éthique ne s'arrête pas là (voyez la suite!). 

Un «scandale financier»? Peu d'effets positifs pour un coût immense, aucune économie.
 
Caricature de James Gillray (1786)

V
oyons le scandale budgétaire maintenant. Là les auteurs de l’article du Monde se bercent d’illusions :
«Une meilleure prise en charge [c’est-à-dire par le comportementalisme] pourrait générer à moyen terme des économiques budgétaires notable de l’ordre de 1,5 milliards d’euros par an pour l’Assurance-maladie… et un bénéfice social bien supérieur (…). Promouvoir les méthodes éducatives [sic!] et comportementales à l’inverse de la psychanalyse, permettra de redéployer les ressources vers un accompagnement efficient, la recherche thérapeutique [sic!] et les mesures de prévention [resic!]». Je suis à nouveau sans voix devant un tel discours qui passe d’un mirage à l’autre dans l’inconscience la plus totale. Il faut le savoir : à côté de ses maigres bénéfices, ABA coûte TRÈS cher; elle est en fait un trou financier sans fond puisque confrontés à son peu d'efficacité, des sommes toujours plus colossales seront exigées, et encore et encore. Comme c’est le cas au Québec où l’on parle d’un coût de plus de $50 000 par enfant par année (35 000 Euros), et où des groupes (de non autistes) font valoir que c’est nettement insuffisant! C’est en effet scandaleux… Et voilà un Plan d'action qui va dilapider de nouvelles dizaines de millions de plus dans ABA... Un système très lucratif pour certaines personnes s’est ainsi mis en place : les intérêts sont défendus par de forts lobbys, la business est florissante, l’autisme est une manne capitaliste exceptionnelle. Mais que gagnent vraiment les enfants et les familles? Je vois tant de parents inquiets pour l’avenir de leurs ados ou de leurs jeunes adultes qui, malgré ces services coûteux reçus, peinent à trouver leur place dans la société, ou ont carrément démissionné de pouvoir s’en trouver une… La supposée «efficacité» ne repose quasi que sur des études invalides, biaisées et des demi-vérités.

Quand ce n'est pas carrément pas du mensonge. Lu il y a deux ans dans une revue québécoise: «La première cohorte d'étudiants autistes arrive à l'université, grâce aux thérapies dont ils ont bénéficié dans leur enfance». Tiens donc! J'ai deux baccalauréats (bio et musique), une maîtrise et un PH.D. sans avoir «bénéficié» de ces bons soins, et mes études universitaires datent des années 1980. Oh! Que lis-je ici? Cela date de 1999, donc avant que les Asperger n'aient encore subi ABA et compagnie: «Les Asperger montrent la probabilité plus élevée que la population générale de faire des études supérieures» (Tony Attwood, Le syndrome d'Asperger, Traduction française chez Dunod, page 178).
En vérité, l
e but, avoué ou non, est de faire paraitre l'enfant «moins autiste», en sa personne et en société. Or, «le temps et l'effort investis dans [les interventions comportementales précoces et intensives] se brisent sur le roc de la différence autistique, comme les vagues sur un rocher. Les transformations obtenues porteront sur des indices de socialisation, qui pourront être modifiés dans une minime mesure, mais sans gain adaptatif mesurable. Ce qu'on aura surentraîné persistera quelque peu (...), mais les changements se limiteront au comportement surentraîné (...). Ces changements ne s'étendront pas à d'autres indices socio-communicatifs. Cela en vaut-il la peine? On aura sans doute contribué à réhumaniser l'enfant dans l'esprit de ses parents, dépassant l'effet produit sur les parents par l'apparente non-réponse autistique, mais cet effet-là peut être obtenu à moindre coût» (page 170). En effet. 

Être enfant aujourd'hui, j'aurais eu un diagnostic tôt, et le cartel ABA aurait fait pression sur mes parents pour qu'ils acceptent que je sois traité avec leur «indispensable» méthode  au risque sinon de ne jamais pouvoir être autonome. Voici une conséquence éthique. J'aurais obtenu pour $50 000 de «services», alors que Sylvie, elle, n'a pas droit, «faute de fonds» (!!!!) à une allocation de $950 par mois ($11 400 par année), elle qui doit s'occuper à temps plein de son petit-fils atteint de déficience intellectuelle sévère - il n'est pas capable de seulement manger par lui-même. Comme Sylvie, 56% des parents qui ont demandé cette petite allocation dite «pour enfants lourdement handicapés» se sont fait refuser. Moi, à $50 000 par année, j'aurais involontairement privé 4 voire 5 parents d'enfants autrement plus en besoin que moi. Voilà en effet un scandale éthique
 http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1024227/allocation-supplement-enfants-handicapes-demandes-refusees

Contre l'autismophobie:
Les neuf principes du Docteur Laurent Mottron
De toute évidence, c’est match nul entre comportementalisme et psychanalyse. Toutes les méthodes aux prétentions «curatives» pèchent de la même manière. Elles ont été conçues de façon idéologique, puis appliquées sans avoir été auparavant validées. Les enfants deviennent ainsi des cobayes. De plus, ce sont deux approches pour adultes qui ont été extrapolées et généralisées aux enfants au-delà de leurs limites fonctionnelles. Je suis la mode décriant les «phobies» de ce monde à mon tour: ces méthodes pèchent aussi en ce qu’elles sont profondément autistophobes! Elles exècrent l’autisme qu’elles n’arrivent pas à cerner. Elles ont font a priori une maladie, qu’il FAUT traiter, le plus tôt possible et le plus possible – cela en dépit du bon sens, car aucun bienfait de la précocité des «traitements» ni aucun bienfait de l’intensité de ceux-ci n’a été validé. La peur de l’autisme, la peur des personnes autistes : autismophobie! On gagnerait, à nouveau, de changer ce regard qui nuit à la participation des personnes autistes dans la société. Ce regard ne peut que nuire. Et il nuit de fait. Le fait, heureux, qu'ABA ne soit pas encore beaucoup implanté en France est une chance pour ce pays d'éviter ce piège et d'aller vers mieux.

Éduquer! Albert Bettannier: La tache noire (1887)
Car
les bonnes pistes existent. Mais elles doivent partir d'un principe primordial: «Ce qu'il s'agit d'accepter: l'atypicité de l'enfant autiste» (page 211). Nous sommes loin du compte! Voici ce que je lis dans le best-seller d'une pédiatre à propos de l'autisme et du moment où l'on doit commencer à s'inquiéter: ce moment est «lorsque l'enfant ne se comporte pas tout à fait conformément à vos attentes (de parents) ou aux attentes de votre entourage». C'est dit avec candeur: l'enfant doit se conformer, et tout à fait, non seulement aux attentes du parent mais encore à celles de l'entourage: quel manque de sagesse élémentaire! On oublie que cet enfant est une nouvelle vie à accueillir, et qu'elle sera nécessairement différentes des attentes extérieures.

Toujours dans son ouvrage, le Docteur Laurent Mottron propose un nouveau modèle d’intervention chez les enfants, un modèle basé sur neuf principes pouvant être appliqués avec souplesse, un modèle finalement plus léger et beaucoup moins coûteux. Certains de ces principes valent tout d’abord pour les enfants présentant un délai de parole (Type Kanner), soit le groupe le plus énigmatique. Je vous réfère donc à son livre, en me contentant ici de ne mentionner que l’intitulé de ces neufs principes :

1. Les postulats éducatifs régissant l’éducation d’un enfant autiste sont les mêmes que pour un enfant typique.

2. Détecter l’intelligence. L'intelligence vraie, je précise, car l'intelligence de trop d'enfants autistes est sous-estimée présentement.

3. Donner une éducation fondée sur les forces et les intérêts restreints.

4. Montrer avant de dire : l’éducation fondée sur la séquence autistique d’acquisition du langage.

5. Comprendre et utiliser le rôle de l’exploration spontanée et de l’activité solitaire dans l’apprentissage.

6. Comprendre et utiliser la «tutelle latérale».

7. Comprendre et utiliser la boucle de retombée des apprentissages.

8. Favoriser une socialisation de type autistique.

9. Faire face aux comportements problématiques.


Juste pour prendre la mesure du changement proposé, je cite quelques points.  
A. Les postulats éducatifs pour un enfant autiste devraient être les mêmes que pour un enfant neurotypique, et non des postulats spécifiques à l'autisme. 
B. Les intérêts spécifiques de l'enfant autiste devraient être favorisés activement, plutôt que d'être brimés ou utilisés que comme renforçateurs (comme les Smarties!). 
C. L'enfant autiste devrait être très tôt exposé au code écrit et le langage oral que l'on a avec lui devrait paraphraser l'écrit, plutôt que de s'échiner à surentraîner aux prérequis non verbaux de la communication neurotypique - l'emphase sur les indices émotionnels liés au langage oral est quasi sans effet. 
D. Il faudrait favoriser l'exploration spontanée en donnant à l'enfant autiste du temps libre (où il fait ce qu'il veut, comme il veut), plutôt que de limiter son exploration dans le seul cadre de l'intervention et de priver l'enfant de temps libre. 
E. On devrait enseigner à l'enfant autiste en étant à côté de lui, et non, comme on le fait, en position face à face. 
F. Il faut valoriser la socialisation de l'enfant en tant que personne autiste et favoriser sa participation effective, au lieu de le forcer à mimer les indices de socialisation neurotypique. 
G. Il faut accepter ou même encourager les comportements atypiques (tout en localisant les comportements envahissants et en empêchant les comportements dangereux), au lieu de chercher à supprimer les comportements répétitifs. 

Sources des illustrations: 
Collection personnelle, Wikipédia (Domaine public, PD-US)