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jeudi 1 septembre 2016

RIVAGES. POUR CLARINETTE. PARTITION PDF GRATUITE

PARTITION GRATUITE EN PDF: RIVAGES, POUR CLARINETTE SOLO

Ce mois-ci, je vous offre GRATUITEMENT la partition manuscrite de Rivages (opus 49) pour clarinette seule. 

Cette partition est offerte pour usage privé. Pour toute performance en concert, seule la partition éditée est autorisée, et seul le Centre de musique canadienne est autorisé à la copier, la louer et la vendre.

This sheet music is offered for private use. For any concert performance, only the edited sheet music is authorized, and only the Canadian Music Centre is authorized to copy, rent and sell it.

Contact: atelier@cmccanada.org  ou / or  quebec@cmccanada.org

Cette musique est / This music is: © Antoine Ouellette SOCAN

 
 
RIVAGES, 
pour clarinette seule (opus 49; 2016)

J’ai écrit de la musique de chambre, des pièces orchestrales et des motets pour chœurs. Mais bon nombre de mes pièces ne font appel qu’à un seul instrument. Ce n’est rien de nouveau en soi en ce qui concerne des instruments comme le piano, l’orgue et la harpe auxquels j’ai consacré des œuvres. C’est un peu moins fréquent pour le violoncelle pour lequel j’ai composé deux pièces solistes (Solitudes et Psaume), mais il existe un répertoire solo relativement consistant pour lui. Cependant, j’ai écrit une série de sept pièces (à date) pour un instrument à vent seul, ce qui est moins habituel. Ce sont, par ordre d’opus :
Bourrasque, pour flûte
Odyssée, pour saxophone alto
Musique sous les étoiles, pour basson
Bouleau jaune, pour trompette
Auberivière, pour flûte
Dent-de-lion, pour hautbois.

Aller à l'essentiel
Au début janvier 2016, s’est ajoutée Rivages, pour clarinette. Toutes ces pièces sont comme des fleurs de solitude. Je crois aussi qu’il s’agit d’une conséquence de mon amour pour le chant grégorien qui est, lui aussi, une musique purement mélodique.
Écrire pour un instrument mélodique seul représente un défi. Contrairement aux apparences, ce n’est pas plus facile que d’écrire pour un grand orchestre. Pourquoi? Parce que tout est exposé à nu. Parce que l’intérêt doit être maintenu toute la durée de la pièce sans les couleurs variées d’un orchestre. On pourrait voir cela comme de l’ascèse : se concentrer sur l’essentiel, sans artifice.

Coucher de soleil sur le traversier. Juillet 2016.
Chacune des pièces de cette série pour vents seuls possède son caractère bien à elle : chacune crée son univers. Même les deux pièces pour flûte sont très différentes l’une de l’autre : la virevoltante Bourrasque et la contemplative Auberivière. Et voici Rivages, pour clarinette! En général, les pièces de cette série sont peu ou pas du tout mesurées. Mais Rivages se distingue en l’étant entièrement. J’ai procédé ainsi par commodité : Rivages se déroule entièrement en temps ternaire et, sans barres de mesures, la notation du rythme ternaire peut facilement devenir ambiguë pour l’interprète. De ce groupe, je dirais que Rivages est la pièce la plus concentrée. Ses huit minutes de durée sont entièrement issues de deux tout petits motifs; un motif ondulant (A), comme une onde à la surface de l’eau, et un motif plus mélodique et chantant (B). 

À Sorel, je vis entouré d'eau. Il y a le Fleuve Saint-Laurent qui devient le Lac Saint-Pierre, les Rivières Richelieu et Yamaska (malheureusement très souillées par la pollution). De temps en temps, je prends le traversier (ferryboat, pour mes amiEs de France!) qui part du quai situé à l'extrémité de ma rue pour se rendre de l'autre côté, à Saint-Ignace-de-Loyola. Peut-être est-ce cette situation géographique qui m'a inspiré Rivages. Ironie du sort: Rivages sera créée en décembre prochain sur l'autre rive... de l'Atlantique, en France. Mais cette inspiration n'est pas que de nature impressionniste. Je crois que la forme de la pièce s'en ressent elle-même puisque les deux brèves mélodies que j'utilise peuvent être entendues comme les deux rives d'un cours d'eau.
Ces deux motifs dialoguent ensemble tout au long de la pièce, et ce dialogue est mis en évidence en recourant à deux registres différents de la clarinette, soit son grave velouté pour le premier motif, et le médium-aigu plus incisif pour le second. Les voici :

Début de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN

Il faut noter que la clarinette est un instrument transpositeur qui sonne un ton plus bas que les notes écrites. Sur la partition, les premières notes écrites (mi, sol, si) sonneront donc ré, fa, la. La pièce serait-elle en ré mineur? Le premier motif semble l’être, mais le second tourne plutôt autour de mi, et la pièce se termine sur un sol (la écrit). Rivages n’est pas tonale : elle est modale, comme à peu près toute ma musique d’ailleurs; modale au sens du chant grégorien ou d’autres musiques modales comme les Ragas de l’Inde. J’ajoute «radicalement modale», parce qu’elle ne contient aucun chromatisme ni transpositions, donc aucune note altérée par rapport à la modalité établie dès le départ avec les deux motifs. «Se concentrer sur l’essentiel», écrivais-je… Ce serait une erreur que de jouer Rivages en cherchant des harmonies implicites : l’harmonie, au sens tonal (avec ses fonctions de tonique, dominante, sous-dominante, etc.), lui est étrangère.

Le monde de Rivages
La Baie de Lavallière, Sainte-Anne-de-Sorel
Rivages
pourrait sonner comme de la musique «répétitive». Or, ce ne serait qu’une apparence : il y a en fait très peu de répétitions textuelles! Après coup, après avoir pris distance, je discerne qu’il pourrait être possible d’y voir pas moins de 14 sections enchaînées, aucune de ces sections ne reprenant textuellement la musique d’une autre. Pour montrer qu’il n’y a pas de répétition, au sens habituel du terme, je trace le portrait de ces sections en survolant l’itinéraire musical de la pièce. Pour suivre dans le détail, je vous réfère au PDF du manuscrit (les pages mentionnées ci-bas sont telles que marquées dans le manuscrit : la page 1 correspond non à la page titre mais à la première page de musique).

Section 1 : page 1, les trois premières portées et la première mesure de la quatrième portée. Le motif A ondule sur un rythme ternaire simple, avec une durée décroissante à chacune de ses quatre apparitions. Le motif B lui répond de manière contemplative, d’abord sur deux notes seulement (mi et fa dièse écrits), puis en ajoutant une troisième note, la. Les phrases du second motif se terminent en échos et / ou en une note prolongée, qui mènent vers le silence (sauf la troisième phrase). 

Section 2 : les deux dernières lignes de la page 1 et les deux premières de la page 2. Le motif A ondule à nouveau paisiblement et en phrases de durée décroissante, mais sur un rythme différent (4 notes par temps, au lieu de 3). Le motif B cherche à se déployer davantage : il va chercher la note ré, et la note la revient plus souvent. La dernière phrase de ce motif conclut la section en un écho qui se dissipe dans le silence.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
 
Section 3 : lignes 3 et 4 (Page 2) et les deux premières mesures de la ligne 5. Le motif A ondule sur un rythme nouveau, plus délié. La durée de ses quatre phrases procède autrement : elles comptent respectivement 4, 2, 4 et 2 temps. Le motif B se déploie un peu plus encore, allant chercher la note do dièse et de brefs mélismes en doubles-croches. 
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
 
Section 4 : Les deux dernières mesures de la ligne 5 et la ligne 6 de la page 2, de même que la ligne 1 de la page 3 et la première mesure de la ligne 2. Le motif A se déploie par vagues du grave vers l’aigu, puis en une grande montée rapide sur tout ce registre. Quelques notes aigües sont tenues, la dernière en se dissolvant dans le silence.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 5 : en page 3, le reste de la ligne 2, les lignes 3 et 4, les deux premières mesures de la ligne 5. Le motif A ondule sur un nouveau rythme, plus délié encore que dans la section précédente. Ses phrases successives sont cependant à nouveau décroissantes. Le motif B n’intègre plus de nouvelles notes : il est parvenu à sa maturité. Mais chacune de ses phrases s’appuie sur un mi grave. La section se termine par un retour du motif A.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 6 : 2e mesure de la ligne 5 et la ligne 6 de la page 3, de même que la première ligne de la page 4. Comme le motif A occupait toute la section 4, cette section 6 est occupée par le seul motif B, toujours bien déployé et avec les appuis sur le mi grave; mais des appogiatures simples s’ajoutent, de même que des groupes rapides (et chaque fois contenant une note de plus) qui amorcent chacune de ses phrases. La section se termine avec quatre notes ascendantes plus longues et marquées.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 7 : lignes 2 à 4 de la page 4. Variante plus volubile de la section 4, sur le motif A. La grande montée conclusive demeure cependant piano, plutôt que crescendo.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 8 : ligne 5 de la page 4. Deux mesures seulement, où ondule le motif A en valeurs égales et plus rapides.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
 
Section 9 : dernière ligne de la page 4, les deux premières lignes de la page 5 de même que la première mesure de la ligne 3. C’est le grand déploiement du motif B avec davantage d’appogiatures. Ses phrases mettent en dialogue trois registres bien distincts de la clarinette – on entend comme trois clarinettes qui se répondent. La dernière mesure montre une irrégularité rythmique, soulignée par les appuis sur chaque note.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 10 : le reste de la page 5. Le motif A se fait mordant et incisif, lui aussi dans des registres contrastants de l’instrument. Le motif B lui réplique sur deux notes seulement (mi et fa dièse), mais un la éclatant et joué à pleine force termine la section : il s’agit de la note la plus forte de toute la pièce : son sommet.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 11 : la première ligne de la page 6. Tout au contraire, cette section est faite de notes longues jouée très doucement : les notes les plus délicates de la pièce.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 12 : page 6, ligne 2 et les deux premières mesures de la ligne 3. Le motif A ondule vivement (avec les valeurs rythmiques les plus brèves de la pièce : des triples-croches), mais doucement, avant de s’éteindre dans le silence.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
  
Section 13 : en page 6, la dernière mesure de la ligne 3, les lignes 4 et 5, puis la première mesure de la ligne 6. Seul le motif B est présent, déployé avec sérénité et assurance. Il conquiert même deux nouveaux sons vers l’aigu : le si et le do dièse, avant de se reposer avec une vocalise descendante.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN
 
Section 14 : le reste de la page 6 et la page 7. Ici revient l’alternance plus rapide des motifs A et B, un peu comme au début de la pièce. À chacune de ses phrases, le motif A prend un rythme différent, et ces rythmes récapitulent des aspects qu’il a pris au fil de la pièce. Le motif B retrouve le caractère plus allusif qu’il avait au début de la pièce; il fait entendre quelques échos. Sa note la, discrète au début de la pièce, revient plus souvent maintenant, et cette note «magique» conclut la pièce – dans la tranquillité, mais aussi de manière suspendue comme si cette note et le motif B désirait poursuivre sa vie à l’intérieur de qui écoute la pièce.
Extrait de Rivages. (C) 2016 Antoine Ouellette SOCAN


Rivages utilise donc à sa manière le principe de répétition : elle l’utilise pour faire naître des mutations dans ses deux courtes mélodies constitutives. Ces mutations donnent chaque fois de nouvelles perspectives, de nouveau point de vue sur les deux motifs. Comme un objet que l’on examine sous plusieurs angles, sous des lumières différentes. Comme les vagues qui arrivent sur une rive et qui ne sont jamais identiques les unes des autres; des vagues qui modifient ce rivage et font scintiller la surface de l’eau d’une manière sans cesse renouvelée. 

SOURCES DES IMAGES: COLLECTION PERSONNELLE.