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lundi 4 mars 2013

AUTISME ET PSYCHANALYSE: DES FAUX AMIS!

Mise à jour du 17 mars 2013
1) AUTISME ET PSYCHANALYSE: DE FAUX AMIS
2) BIENVENUE FRANÇOIS!

AUTISME ET PSYCHANALYSE:
DE FAUX AMIS!

Désolé monsieur Freud:
psychanalyse et autisme
ne vont pas ensemble.
Difficile d’être plus explicite et ferme que l’a été le docteur Laurent Mottron, grand spécialiste de l’autisme : «La psychanalyse n’a rien apporté à la compréhension ni à la prise en charge de l’autisme, ni en termes de pratiques, ni en termes de connaissances» (L’autisme : une différence plus qu’une maladie. Revue Cerveau  & Psycho. Numéro 51, mai-juin 2012, page 21). Je salue son courage car il s’agit vraiment d’une position courageuse de la part d’un intellectuel français. J’ai discuté dans mon livre des «cures» pour l’autisme pratiquées par les psychanalystes freudiens en France, pays où jusqu’à une date récente telle était la nature de l’«aide» imposée aux personnes autistes (pages 109-110). Comme me l’a écrit un correspondant français, l’élite «progressiste» de son pays tète encore aujourd’hui à deux mamelles : le freudisme et le marxisme. Beau progrès.



Le top de ces «thérapies» est le fameux packing qui consiste «à enrouler la personne dans des draps trempés dans l’eau froide, afin d’aider le patient à retrouver une image corporelle en privilégiant ses vécus sensoriels et émotionnels. Ce «traitement» est utilisé sur les enfants (et adultes) atteints d’autisme par quelques 300 hôpitaux français et structures médicalisées, sans protocole, sans évaluation ni résultat». Et voilà qu’un psychanalyste français démuni me contacte en m’écrivant ceci (j’ai évidemment changé quelques détails pour la confidentialité) :
Bonjour cher monsieur,
[…] J'ai lu votre position par rapport à la psychanalyse 
mais votre témoignage me parle tellement notamment par rapport 
à un patient que j'accompagne depuis longtemps, que j'aurais aimé 
pouvoir vous rencontrer et discuter. 
Effectivement, je suis psychanalyste depuis […] ans
 et j'ai accompagné en institution ou à mon cabinet 
des jeunes autistes dont certains ont une vie ayant de la valeur à
 leurs yeux et aux miens [Merci de me rassurer!]. Tous les jours, 
des découvertes sont évoquées quand à la cause de l'autisme, 
mais en attendant, il y a quelque chose à faire. 
Et ne pas reculer devant la difficulté reste mon éthique, 
même avec ma boussole qui reste la psychanalyse, 
car elle respecte le sujet dans sa singularité.
Je vous prie de croire en toute ma sympathie
Cordialement

La phrase qui me fait le plus sourciller est : «en attendant, il y a quelque chose à faire». J’ai observé qu’il arrive au contraire que le mieux à faire est de ne pas chercher à trop faire… Mais tout de même, je suis poli et me suis senti obligé de répondre après quelques jours de réflexion. 

Bonjour Monsieur […].

J'ai bien reçu votre courriel. Je vous remercie pour votre intérêt mais j'avoue que j'ai hésité à vous répondre. Je le fais finalement en ne sachant pas trop comment bien dire ce que j'aurais à dire, parce que votre mot est gentil et qu'il me serait impoli de le laisser sans réponse. J'ai surtout très peur d'être brusque... Tout d'abord, je ne sais pas quelle est votre approche en psychanalyse. À l'occasion d'un colloque, j'ai pu écouter monsieur Guy Corneau et discuter un peu avec lui. M. Corneau est bien connu et son approche est jungienne. Cela posé, il s'est ouvertement dit réfractaire à la «médicalisation» des personnes autistes et formulait même le souhait que la société soit davantage à l'écoute de «ces gens nouveaux». Je crois d'ailleurs me rappeler que j'ai glissé un mot à cet effet dans mon livre. Évidemment, je n'ai rien contre cette attitude et peut-être est-ce la votre.

Personnellement, je vous prie de ne pas m'en vouloir, je ne me sens pas d'affinité avec la psychanalyse. Puisque l'autisme n'est ni une psychose ni une névrose, puisqu'il s'agit d'une condition innée et non acquise, je vois mal ce que peut apporter cette discipline. Cela me semblerait comme si je demandais à mon cordonnier de faire ma prochaine paire de lunettes... Mais ma foi, pour un adulte autiste consentant, intéressé, motivé par cette approche, disposé à s'y investir et à y investir de l’argent, pourquoi pas? C'est un choix que je respecte.


  
Toutefois, ce dont je parle surtout dans le livre n'est pas du tout cela: il s'agit d'une approche psychanalytique imposée d'office aux enfants suite à un diagnostic, avec ou sans le consentement des parents. Déjà, c'est très contestable. Mais de plus il y a la nature des traitements (comme le fameux packing). Comme personne autiste moi-même, je lis souvent que nous serions incapable d'empathie. Pourtant, de l'empathie, j'en ai assez pour me mettre à la place de ces enfants et éprouver un haut-le-coeur devant des traitements de ce type: les avoir subis, je me serais débattu, j'aurais crié... et les soignants y auraient vu le signe de la gravité de ma condition. Peut-être auraient-ils doublé la dose?! Monsieur, on ne traite pas ainsi des enfants! Que pense-t-on faire au juste? Sinon des ados traumatisés, des adultes révoltés contre le système ou contre le monde entier, ou encore en proie à la dépression et aux troubles anxieux majeurs? Pendant des décennies, ce genre de traitements a été appliqué sans même d'évaluation critique, scientifique et indépendante, ce qui est inacceptable.
Pire: la critique n'est pas admise. J'ai eu l'occasion de visionner le film Le mur de Sophie Robert* avant qu'il ne soit censuré à la demande de psychanalystes. La cause est toujours pendante et devrait connaître son dénouement en 2013. En tant qu'artiste cette fois et accordant une grande importance à la liberté d'expression, je suis profondément choqué par cette démarche corporatiste. Mais tout de même, j'ai vu, et ce que j'ai vu m'a laissé pantois. Les psychanalystes du documentaire ont reproché à la cinéaste de les «avoir trompé» (alors qu’il semble bien qu’ils ont tous signé une autorisation d’utilisation de l’entrevue). Or ce que j'ai vu consistait en longs plans séquences sans montage dans lesquels ces gens vraiment bizarres parlaient sans contrainte (en plus d'agiter des objets «thérapeutiques» comme des araignées en peluche!). […]  

Et pourtant, il y a eu encore pire en fait de tentative d'intimidation et d'étouffer toute critique. Ces psychanalystes ont été jusqu'à poursuivre le mouvement Autistes sans frontières qui avait diffusé brièvement le documentaire. Un SLAPP, un procès-baîllon! Heureusement, un juge les a condamné pour procédure abusive, verdict dont ils ont aussitôt fait appel. Tout cela avec de puissants moyens financiers et institutionnels voire même politiques (votre Martine Aubry**, belle référence scientifique, ne s'est-elle pas prononcé publiquement en faveur du packing? Peut-être devrait-on lui en donner quelques bonnes séances...). Tout cela contre une cinéaste, des enfants, des parents. C'est vraiment peu édifiant.

J'ose espérer que vous ne souscrivez ni de près ni de loin à de tels agissements. Mais en ce qui me concerne, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas (car ce n'est pas personnel), j'ai, disons, un petit doute lorsque vous m'écrivez que la psychanalyse «respecte le sujet dans sa singularité». Certaines approches oui sans doute, mais visiblement d'autres non qui sont installés dans les institutions et ne tolèrent aucune remise en question.

Finalement, oui, «il y a quelque chose à faire». Le tout est de savoir quoi. Et là réside précisément la difficulté. La recherche commence à peine à s'intéresser aux forces autistiques et à valoriser cette forme d'intelligence, la comprendre pour mieux guider les personnes dans cette dimension de leur être: c'est cette voie qui m'allume. Je rencontre de nombreuses personnes autistes, des enfants, des ados, des adultes, et je constate toutes les belles énergies qu'il y a en elles […] Pour moi, c'est cela qu'il y a à faire: partir de ce que nous sommes, de qui nous sommes et de là favoriser les conditions de notre épanouissement, sans aucune nostalgie de ne pas être autrement. L'aide que vous évoquez consisterait en une sorte d'accompagnement en cette voie - chose probablement trop modeste pour les psys du Mur, mais que vous pouvez être certaine que nous apprécierions profondément.

J'espère que rien ici ne vous a blessé. Comme je l'écrivais au début, je ne savais pas tellement comment vous répondre, comment dire les choses, d'où mon hésitation et peut-être certaines maladresses ou brusqueries.

Cordialement,

Antoine Ouellette

* À lire ce document PDF de la réponse de Sophie Robert à cette intimidation psychanalytique :

** Quelqu’un comme la Sarah Pallin de la gauche française...


Oui, que pense-t-on faire au juste avec le packing et compagnie? Croyez-vous vraiment  que j’exagère en répondant «des ados traumatisés, des adultes révoltés»? J’en ai reçu des courriels de gens qui ont subi ces cures débiles et, en effet, ils enragent d’avoir été traités ainsi, comme cet ami français qui en a gros sur le cœur contre, dit-il, son «putain de pays de merde»! C’est en effet indigne d’un pays de haute culture comme la France.

Évidemment, les intégristes du freudisme ne lâcheront pas le morceau si facilement: ils n'ont pas du tout apprécié d'avoir l'air de médecins sortis d'une comédie de Molière! Récemment, un journaliste faisait la recension du livre d’un des pionniers de la psychanalyse au Québec. Ce psy s’en prend évidemment à la psychologie et à la psychiatrie, surtout lorsque cette dernière ose prescrire des médicaments. Il écrit béatement que «[ces disciplines] se détournent résolument de ce qui nous ramène sans cesse à l’essentiel de l’homme, [vraiment?!] c’est-à-dire son vécu tragique en vertu des forces pulsionnelles qui le déchirent, forces caverneuses qui ne cesseront jamais de le poursuivre [une bénédiction pour la business...]». Après avoir rejeté les autres approches, surtout celles qui se révèlent efficaces, il déplore ceci : «L’animosité, l’hostilité, les tourments causés à la fin du XIXe siècle par l’entrée en scène des découvertes [sic!] de Freud se poursuivent de plus belle. C’est tellement plus simple et moins dérangeant émotionnellement quand il n’y a que le physique en cause, le physique et le neurophysiologique comme responsables de tous les maux». À nouveau, je suis pantois devant ces calembredaines déclamées par des gens intelligents. Le journaliste ose ajouter cette morale désabusée : «Un des principaux aveuglements de notre époque est résumé dans cette phrase»...


Je ne suis pas avocat de l’efficacité à tout prix. Néanmoins lorsqu’un traitement doit s’étirer sur des années, on a beau prétendre que le temps est nécessaire pour guérir des maux profonds, la seule évidence qui s’impose est carrément celle de l’inefficacité du traitement en question. Ou encore de son efficacité à n’induire qu’une forte dépendance. Voyez Woody Allen - au moins son interminable psychanalyse lui a donné des idées pour des films… La psychanalyse repose sur un système de croyances que certains confondent avec une science : il faut avoir la foi. Alors je m’excuse, j’ai un système de croyance autre, qui non seulement me satisfait mais m’inspire, et je n’ai pas la foi en la psychanalyse.

Pour en savoir plus : voir ce site qui range la psychanalyse dans la catégorie des pseudo-sciences :
Et un texte sécurisé en cas de censure :

Au fait, avocatEs de la psychanalyse, que fait-on avec une personne en crise psychotique, le temps que sa psychanalyse donne quelque chose? Quoi d’autre que l’internement, le confinement, la contention et… l’usage abusif de «psychotropes et neuroleptiques [qui] sont utilisés non pas de manière ponctuelle, mais comme manière de rendre léthargique, d’assommer les patients», comme le rapporte une association en autisme de France (citée dans Musique autiste). 
 
Source de l'illustration: Wikipédia / Domaine public PD-US, et site commercial pour le coffret DVD.