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samedi 7 avril 2012

Violoncelle et piano: Sonate liturgique / Partition gratuite (PDF)

SONATE LITURGIQUE

La Sonate liturgique est la troisième et dernière en date de mes Sonates pour violoncelle et piano, après la Sonate romanesque et la Sonate boréale

Pour une introduction au cycle des trois Sonates pour violoncelle et piano:

Cette partition est offerte pour usage privé. Pour toute performance en concert, seule la partition éditée est autorisée, et seul le Centre de musique canadienne est autorisé à la copier, la louer et la vendre.

This sheet music is offered for private use. For any concert performance, only the edited sheet music is authorized, and only the Canadian Music Centre is authorized to copy, rent and sell it.

Cette musique est / This music is: © Antoine Ouellette SOCAN

La partition complète, avec la partie séparée de violoncelle, est disponible au Centre de musique canadienne:

Contact:  atelier@cmccanada.org  ou / or  quebec@cmccanada.org

 
SONATE LITURGIQUE

Quatre mouvements :
Introït
Alléluia
Transsubstantiation
Hymne
Durée approximative : 30 minutes (c. 7’30, 7’15, 9’20, 6’)
Niveau de difficulté: 7-8/10
 
Note: Un tambour très profond et résonnant ou une grosse caisse est nécessaire dans le troisième mouvement.


Icône par Dionisius, Russie, XVIe siècle
   
 
Peu après avoir terminé la première version de la Sonate boréale en 1982, j'ai eu l'idée d'une autre Sonate pour violoncelle et piano. Je savais déjà qu'elle serait «longue» (environ 30 minutes), en 4 mouvements, d'essence spirituelle et inspirée par le chant grégorien. Mais qu'elle me semblait loin! Je n'avais pas encore la maturité nécessaire, alors, à défaut de mieux, j'ai noté des idées pour cette œuvre sur de petits papiers que j'ai réunis dans un dossier. Au fil des années, les papiers se sont accumulés. Au début 2011, cette gestation était enfin menée à terme: près de 30 ans après avoir consigné par écrit les premières idées de l’œuvre, j'ai composé cette nouvelle Sonate dans la fièvre, rapidement, avec précision, et lui ai donné le nom de Sonate liturgique.

Elle ressemble à l'idée initiale que j'en avais: forme, durée, expression, etc. Habituellement, l’œuvre écrite n'est qu'un reflet plus ou moins fidèle de l’œuvre rêvée, d'où un sentiment fréquent d'insatisfaction qui mène le compositeur a retoucher ses pièces, et le pousse à en composer de nouvelles, plus parfaites. Mais curieusement cette fois, je n'ai pas connu tel sentiment.

La Sonate liturgique est fondée sur des mélodies grégoriennes tirées de la Messe du jour de Pâques (les 3 premiers mouvements) et de la Messe du Dimanche des Rameaux (quatrième mouvement). Le texte chanté étant omis, la source grégorienne prend une dimension nouvelle, «laïque», mais toujours d’essence spirituelle. La Sonate constitue un hommage à cette musique que j’admire et que j'ai longtemps dirigée. Dans Musique autiste, j'ai écrit que la musique médiévale (dont le chant grégorien) avait été pour moi non une influence mais une illumination (voir notamment en pages 18, 231, 234, 298-99); et je conclus: «Ma musique ne se réclame d'aucune filiation, sinon de celle, fort atypique, d'un maître inconnu du XIIe siècle dont, peut-être, je poursuis l’œuvre avec des moyens très différents. Une musique de nulle part? Non: la musique d'une personne (...): une musique personnaliste» (page 302). Le chant grégorien est, pour moi, ce que les mathématiciens nomment un «attracteur étrange»: je l'assume explicitement en cette Sonate. Je ne veux pas me lancer ici dans des explications techniques, mais je vous partage quelques points.

La grande forme de la Sonate est liée aux notes modales du grégorien. En grégorien, il y a 8 modes : 2 modes de Ré, 2 de Mi, 2 de Fa et 2 de Sol. J’ai donc centré le premier mouvement de la Sonate sur la note Ré, le second sur Mi, le troisième sur Fa, et le dernier sur Sol avec des inclusions récapitulatives en Ré, Mi et Fa - c'est donc dire qu'aucune tonalité ne s'impose comme étant «la» tonalité de la Sonate (ce qui, Dieu merci, n'en fait pas pour autant une ouvre atonale).

Bien que les mélodies grégoriennes imprègnent la Sonate, il ne s’agit pas de simples transcriptions. Je soumets notamment le rythme à ma propre manière. 
La musique grégorienne est souvent interprétée comme un tranquille flot de croches plus ou moins égales. Vous me permettrez de douter de l'authenticité d'une telle conception. Le grand sémiologue musical Dom Eugène Cardine en doutait aussi, et encore davantage ses élèves, qui ont commencé à enregistrer des disques autour de 1970 (comme l'Ensemble Venance-Fortunat, par exemple: http://www.venance-fortunat.org/). C'est dans cette dernière perspective que j'ai conçu la rythmique des mélodies grégoriennes dans la Sonate. Au lieu de se dérouler en croches, l'Alléluia de Pâques devient ceci:

En fait, peut-être que le rythme grégorien retrouve ici sa véritable liberté.
Un rythme plus actif, plus varié, mais échappant souvent au cadre d'une mesure stricte. Perd-t-il sa «spiritualité»? Et pourquoi la perdrait-il donc?! La spiritualité ne consiste-t-elle qu'en du repos, qu'en quelque chose qui exige un oreiller?! L'Alléluia pascal grégorien prend une nouvelle allure dans le deuxième mouvement de la Sonate:

La partie de piano participe aussi à ce rythme «fleuri». D'un côté, l'écriture pour le piano s’inspire du jeu de certains instruments médiévaux, comme le psaltérion ou le dulcimer. D'un autre côté, dans les deuxième et quatrième mouvements, le piano dialogue hors tempo avec le violoncelle, ce qui renforce la liberté rythmique de l'ensemble. Le résultat donne des passages comme celui-ci, tiré du deuxième mouvement:

... ou celui-ci, provenant du quatrième mouvement (ici, le violoncelle joue en pizzicato - cordes pincées):
Le premier mouvement de la Sonate est basé sur l'Introït (chant d'entrée) de la Messe du jour de Pâques, une mélodie d'une génialité sidérante! Loin de pavoiser sur la Victoire-de-la-Vie-sur-la-Mort, ce chant est nimbé d'un mystère, d'une subtilité et d'une discrétion inouïs, plus à même, à mon avis, de faire pénétrer dans le Mystère de la Résurrection. La note modale («tonique») est à peine entendue: on tourne autour en l'atteignant rarement. Pour participer à cet esprit, je commence ce mouvement par une sonorité rare au violoncelle seul : un trille entre une note fondamentale grave (Ré) et un harmonique résonnant deux octaves et une tierce majeure plus haut (Fa dièse):
Cela sonne de manière fantastique et n'est pas difficile à exécuter. Ce trille revient à quelques reprises dans le cour du mouvement, de même qu'à la fin du deuxième mouvement. L'Introït grégorien est composé en mode de Mi, que j'ai transposé ici en Ré. L'échelle modale d'origine est:
Mais ici, à cause du Fa dièse harmonique, note «magique», l'échelle réelle est plutôt:
Le troisième mouvement va plus loin. Pâques est le passage de la mort à la vie. Chez nous, les catholiques, et chez les orthodoxes aussi, lors de la Messe, le pain devient Corps du Christ, et le vin Sang du Christ: un passage réel et non pas simplement symbolique. Le troisième mouvement fait vivre un passage analogue: peu à peu, le piano se transforme en cloches graves, cloches qui se transforment ensuite en tambour profond; le violoncelle, lui, se décolore vers ses sons harmoniques doublés de humming (le/la violoncelliste doit utiliser sa voix). À la fin, les deux instrumentistes chantent la mélodie sur la voyelle «O», alors que le piano en double quelques notes et que le violoncelle soutient en bourdon la note Fa grave. J'ai écrit que le piano devient tambour: c'est littéralement ainsi puisque le/la pianiste doit jouer d'un tambour - un tambour à la sonorité profonde, riche et résonante, qui sera joué de préférence avec une mailloche feutrée.

Passage.

Pâques.
 
 

 Source de l'illustration: Wikipédia / Domaine public PD-US